Les galeries photos
Plateau de silence et de vent, l’Aubrac étend ses pâturages d’altitude entre l’Aveyron, la Lozère et le Cantal. Ici, les saisons sont franches, les lumières changeantes et les formes souvent épurées. L’été fait vibrer l’herbe haute sous les nuages, l’hiver étale sa blancheur sur les estives désertes.
Photographier l’Aubrac, c’est pour moi accepter l’espace vide, les lignes épurées, les détails qui affleurent lentement. Je tente aussi de restituer l’esprit du lieu: son âpreté, sa lenteur, son calme profond, même s’il devient de moins en moins calme au fil du temps…
C’est un territoire que je parcours depuis longtemps, à pied, sans itinéraire figé. J’y reviens à toutes les saisons, souvent aux heures calmes, celles du petit matin, ou des fins de jour. Je recherche toujours des lieux qui me parlent, un buron à demi enfoui dans la neige, une draille ancestrale bordée de pierres, une lumière rasante sur une croupe de basalte ou de granit.
Les galeries proposées ici témoignent de cette fréquentation régulière, patiente. On y croise des paysages ouverts, quelques silhouettes d’arbres, de vieilles bâtisses, des troupeaux, ainsi que des images de nuit, dans ce noir rural que le ciel étoilé vient habiter.
Toutefois, sous son apparence rude et immuable, donnant l’image d’un territoire inchangé depuis des siècles, l’Aubrac est une terre fragile. En regardant de près, les signes de déséquilibres s’accumulent.
L’herbe devient plus rare et plus rase, et la flore considérée comme l’une des plus riches d’Europe, voit sa diversité diminuer, entre prolifération de rats taupiers, engrais, et réchauffement général.
Les tourbières s’assèchent et disparaissent peu à peu. On peut ajouter également quelques projets éoliens, un seul a été réalisé en Lozère, mais d’autres peuvent émerger.
L’Aubrac attire également de plus en plus de monde depuis quelques années. Cette visibilité pourrait avoir un impact sur le territoire, en faisant perdre un peu de ce qui faisait la force de l’Aubrac: le silence, la lenteur et l’espace. C’est un équilibre subtil entre tranquillité et fréquentation qui pourrait facilement être rompu.
Les paysages du haut plateau se découvrent dès 1100 mètres d’altitude. Il font partie des lieux que je photographie le plus souvent sur l’Aubrac.
C’est un lieu de contrastes, où les vastes étendues herbeuses s’entremêlent aux ruisseaux et aux lacs miroitants.
Du printemps aux prairies recouvertes de fleurs sauvages, à l’hiver pendant lequel le plateau semble s’endormir pour mieux résister au froid et aux vents, ce sont des ambiances et des couleurs toujours changeantes que l’on découvre.
Même si le haut plateau est souvent comparé à d’autres paysages à travers le monde, il reste pour moi unique, avec sa propre personnalité.
Les brumes ont toujours fait partie de mes ambiances préférées. Parfois elles sont semblables à de fines écharpes laissant deviner le contour des reliefs, à d’autres moment elles recouvrent comme de vastes mers le paysage en intégralité, laissant apparaître uniquement quelques sommets épars.
Peu après mes premières sorties sur l’Aubrac, les burons sont rapidement devenus mon sujet photographique préféré, et la plupart du temps un but de randonnée.
J’ai toujours été attiré par ces constructions, témoignages d’une activité aujourd’hui révolue et d’une vie rude. Souvent isolés au coeur de leur Montagne, ils font partie des paysages et du patrimoine de l’Aubrac, apparaissant au détour d’un chemin ou derrière la crête d’une colline.
L’eau est indissociable de l’Aubrac.
Elle glisse entre les herbes, surgit entre les pierres, et trace de longues courbes dans les estives depuis les sommets.
Les sources alimentent le plateau, les ruisseaux serpentent doucement, et les boraldes, ruisseaux plus abrupts, dévalent les pentes vers la vallée d’Olt (le Lot ainsi nommé en Aveyron).
Par endroits, au coeur du haut plateau, l’eau s’élargit en quelques rares petits lacs d’origine glaciaire, où le vent et la lumière dessinent d’autres lumières.
Qu’elle bruisse ou qu’elle dorme, elle imprime sa présence dans chaque repli du relief.
Malheureusement, comme ailleurs, l’eau se fait plus rare, même sur ce plateau longtemps considéré comme un château d’eau. Tourbières qui disparaissent, ruisseaux intermittents et sources discrètes devenues silencieuses, le territoire change peu à peu. Ces signes rappellent que l’Aubrac, malgré son altitude et ses brouillards, n’échappe pas à l’évolution du climat ni aux pressions exercées sur les sols et les nappes.
Longtemps perçue comme inépuisable, l’eau du plateau révèle aujourd’hui sa fragilité. C’est une absence discrète, souvent invisible sans l’habitude, mais qui change la nature même du paysage.
Il est le plus grand lac glaciaire de l’Aubrac avec ses 12 hectares. C’est un site qui mêle d’anciennes croyances païennes, au Vème siècle les populations locales venaient y jeter des offrandes. Avec l’arrivée du christianisme, une chapelle aujourd’hui disparue fut bâtie non loin du lac.
Plus tard, une chapelle fut construite non loin du rivage. Aujourd’hui disparue, il n’en reste que des traces dans quelques anciens récits. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, des processions y avaient lieu chaque deuxième dimanche de juillet, avant d’être interdites dans les années 1870.
Lieu emblématique de l’Aubrac, il est unique de part ses lumières et ambiances toujours variées. Ses eaux sombres ou métalliques, parfois d’un bleu profond réagissent à la moindre variation de lumière ou de vent. C’est un de ces rares endroits où le ciel semble se réfléchir autrement.
Il est un des lieux que j’ai le plus photographié jusqu’il quelques années. Peut-être devient-il un peu trop fréquenté à mon goût comme d’autres sites de l’Aubrac.
Ici, l’hiver est une saison lente et silencieuse, qui recouvre le plateau d’un voile blanc souvent uniforme.
Quand la neige tombe en continu, le paysage se simplifie et s’efface. Seuls quelques murets, clôtures et burons peuvent encore dessiner des contours familiers. Lors des moments de tourmente, le vent sculpte avec force la neige, les congères s’accumulent dans les creux, et la lumière change d’un instant à l’autre.
Photographier ces jours-là, c’est accepter de ne pas tout voir, de se laisser guider par une trouée, une courbe ou un contraste subtil.
Sur l’Aubrac, l’estive marque une saison à part. Entre fin mai et octobre, les troupeaux se retrouvent sur le plateau afin de profiter de l’herbe haute des pâturages ouverts. La date symbolique du départ coïncide souvent avec la Saint-Urbain, autour du 25 mai, mais tout dépend encore des pluies du printemps, de la pousse de l’herbe et des températures. Il en est de même pour la fin de l’estive, qui se termine généralement mi-octobre.
Pendant ces mois, les pâturages sont animés par les mouvements des troupeaux et rythmés au son des cloches. C’est une période de vie et de travail, mais aussi période où l’Aubrac semble retrouver son souffle, dans une lenteur presque intacte.
Photographier l’estive, c’est essayer de saisir ce lien entre l’homme, l’animal et le territoire. La silhouette d’un buron sur l’horizon, une file de vaches dans la lumière du soir, ou la poussière soulevée par un troupeau dans un creux de brume. Ce sont pour moi autant d’instants fugaces qui racontent la continuité fragile de ces pratiques anciennes, obligées de se moderniser avec le temps.
Autrefois, la forêt recouvrait entièrement le plateau de l’Aubrac.
Peu à peu, elle a cédé la place aux pâturages, défrichée dès le IVᵉ siècle, puis plus largement à partir du Moyen Âge, sous l’influence de la Domerie d’Aubrac.
Aujourd’hui, seuls subsistent quelques fragments de la forêt originelle, entre 1000 et 1400 mètres d’altitude. La plupart des boisements actuels sont des forêts de coupe destinées à l’exploitation.
Mais dans certains replis du plateau, subsistent des bois résiduels au caractère plus ancien : mousses épaisses, silence feutré, troncs tordus par les vents.
Un autre visage de l’Aubrac, une ambiance différente, plus secrète.
Au sud du plateau, l’Aubrac bascule brusquement. Là où les grands espaces s’étendent vers le nord, ce versant est creusé de vallées profondes, abruptes, où l’eau s’engouffre en torrents vivants et imprévisibles jalonnés de cascades secrètes.
Ces boraldes prennent leur source sur le haut plateau, entre rochers et herbes hautes, puis deviennent tumultueuses lorsqu’elle commencent à dévaler les pentes, pour rejoindre le Lot presque 1000 mètres plus bas.
Leur force a au fil du temps profondément entaillé le versant sud de l’Aubrac, sculpté par de profondes vallées parallèles, sauvages, où l’on croise seulement quelques villages ou hameaux austères très isolés accrochés aux pentes.
Les boraldes de Saint Chély, Flaujaguèse, les Mousseaux et le Merdanson sont les principales, avec des cours mesurant de 15 à 29 kilomètres.
Photographier ces vallées, c’est alterner entre crêtes et vallées encaissées. C’est encore un autre visage de l’Aubrac, très éloigné visuellement du Haut Plateau pourtant si proche.
Depuis de nombreuses années je photographie l’Aubrac de nuit. Ses ambiances nocturnes sont toujours des moments rares à toutes saisons de l’année.