L'Aubrac et ses paysages
J’habite non loin de l’Aubrac, et me rendre sur ses hauts plateaux me fait à chaque fois l’effet de partir « ailleurs », comme si je m’échappais vers une autre contrée aux paysages et ambiances différents du lieu où je vis.
De chez moi, sur le Causse Comtal, c’est bien souvent vers l’Aubrac que se portent mes premiers regards lorsque je sors. Je le vois parfois comme semblant flotter au-dessus des brumes de la vallée du Lot, ou d’autres jours disparaissant dans les nuages.
Dès mon arrivée en Aveyron j’ai tout de suite aimé parcourir ces hauts plateaux, quel que soit le temps ou la saison. Il est pour moi un lieu à part, aux senteurs et lumières différentes des alentours.

L’Aubrac semble inchangé depuis des siècles, seulement modifié lentement par l’Homme qui en a façonné les paysages, une impression consolidée par le fait que l’Aubrac soit resté longtemps à l’écart des grandes voies de communication. A cheval sur 3 départements, il garde toujours son identité propre, aussi bien liée à sa géographie qu’à son histoire.
Mais même si l’Aubrac paraît immuable, il reste une terre fragile, pouvant être menacée comme beaucoup d’autres territoires partout dans le monde. Même si elles paraissent invisibles, les menaces sont là: Les rats taupiers labourent les estives et diminue la qualité et la diversité de l’herbe, les sources s’asséchement et la qualité de l’eau est en baisse. Des parcs éoliens tentent de voir le jour sur l’Aubrac. Pour le moment il n’y en a qu’un en activité au Truc de l’Homme en Lozère, mais d’autres sont susceptibles de voir le jour, malgré le Parc Naturel Régional.
Un peu de géographie de l'Aubrac
L’Aubrac est souvent assimilé aux grands espaces, pourtant géographiquement c’est un petit territoire. Dans sa totalité, il mesure environ 50 kms sur 40 kms. Il est bordé au sud par la vallée du Lot, la vallée d’Olt comme elle se nomme dans sa partie rouergate, à l’Est par la Colagne, et à l’Ouest et et nord par la Truyère, rivière au débit souvent impressionnant, désormais domptée par de nombreux barrages hydroélectriques.
Le haut plateau en lui-même, ne représente que environ 20 kms sur 20 kms, à une altitude située entre 1000 et 1469 mètres, culminant au Signal de Mailhebiau.
C’est en arrivant du sud que l’on perçoit sans doute le mieux la rudesse ainsi que la grandeur de l’Aubrac, quelque soit la saison. L’Aubrac contraste avec la vallée du Lot, au climat relativement clément, au coeur de laquelle Saint Geniez d’Olt était auparavant réputé pour ses fraises.
On s’élève ensuite de 1000 mètres pour atteindre les hauts plateaux de l’Aubrac, après avoir longé les boraldes, ruisseaux bordés de bois de châtaigniers descendants de l’Aubrac, qui se jettent dans le Lot.
Arrivé sur le haut plateau c’est un paysage semblant s’étendre à perte de vue qui se dévoile. Doucement vallonné, sans sommets acérés, seuls quelques sommets d’origine volcanique comme le Puy de Gudette ou le Roc de Cayla près de Laguiole peuvent se distinguer au milieu des estives, entrecoupées de petites vallées peu encaissées.

Situé au Sud du Massif Central, la formation de l’Aubrac résulte de l’affaissement de la chaîne Hercynienne à la fin de l’Ere Primaire. Il y a environ 320 millions d’années, du magma remonte sous les roches métamorphiques des restes de la chaîne Hercynienne, pour ensuite se cristalliser, ce qui composera le granit de la Margeride et de l’Aubrac.
Ensuite vers 200 millions d’années, la chaîne est désormais complètement érodée et la mer recouvre le sud du Massif Central. Des sédiments sont alors déposés jusqu’au retrait de l’eau il y a 150 millions d’années.
La formation des Pyrenées il y 40 millions d’années soulève le territoire de l’Aubrac, ce qui sera encore accentué il y a 20 millions d’années par la formation des Alpes. le plateau s’incline vers le Nord Est et accentue l’érosion, qui commence à dessiner les vallées de la Truyère et du lot, ainsi que les boraldes sur le versant sud.
Le volcanisme apparaît il y a 7.5 million d’années. L’essentiel du volume des laves est émis en 250 000 ans, principalement sur la ligne de « crêtes » allant du Signal de Mailhebiau au Roc du Cayla, en passant par le Puy de Gudette. C’est souvent cette ligne de crêtes que j’aime parcourir et photographier, car elle offre des paysages dégagés que j’apprécie particulièrement.
L'histoire récente de l'Aubrac
L’Aubrac aurait été peuplé dès l’âge de bronze, environ 2000 à 1000 ans avant notre ère. Ensuite il y a 2500 ans la déforestation a commencé pour laisser place à de l’élevage.
Sous l’ère Romaine, l’Aubrac se voit traversé par une importante voie de communication, allant de Lyon à Saint Bertrand de Comminges, et qui faisait partie du réseau de voies romaines partant de Lyon, appelé Via Agrippa.

Plus récemment, ce sont désormais les transformations sous la main des hommes qui vont faire évoluer les paysages de l’Aubrac. En défrichant à partir du XIIIème siècle sur les hauts plateaux ce qui restait des forêts afin de laisser la place aux troupeaux toujours plus importants, d’abord ovins puis bovins, les moines de l’abbaye de Bonneval et de la Domerie d’Aubrac, possesseurs des plus vastes domaines agricoles font apparaître les paysages d’estives actuels. Au XIVème siècle, les caractéristiques particulières de la race Aubrac commencent à se dessiner, au fil des sélections par les moines d’Aubrac.
C’est de cette époque que vient la division des hauts plateaux en « montagnes », qui correspondaient chacune à une étendue herbeuse, possédant au moins une source, et également son buron. Le paysage prend alors sa forme actuelle, avec sa division en 300 montagnes, séparées généralement par des murets de pierres.
La forêt a alors quasiment disparue du haut plateau, Il subsiste cependant quelques bois anciens aux alentours des Truques et de Brameloup, ainsi sur les contreforts de l’Aubrac, des lieux qui sont souvent moins propices à l’élevage.